En 1842, l’année du triomphe de Rachel dans le Cid de Corneille, naît dans le Gard, la petite Madeleine Gebelin, future Madame Brès. Fille d’un charron, elle a la révélation de la médecine en accompagnant, à huit ans, son père appelé pour des travaux à l’hôpital de Nîmes. L’année de la mort de Rachel, à quinze ans, elle est mariée à un conducteur d’omnibus. La famille Gebelin vit à Paris depuis trois ans déjà. En 1866, elle décide de devenir médecin, peut-être encouragée par les performances de Julie-Victoire Daubié, bachelière depuis quatre ans. Agée de vingt-quatre ans et déjà mère de famille, elle sollicite le doyen de l’Université afin d’officier pour les femmes et les enfants. Il la renvoie dans son foyer en lui suggérant d’obtenir le baccalauréat dans un premier temps. Son mari l’autorise à s’inscrire, trois ans après sa demande et en candidate libre Madeleine est bachelière. Maria Deraismes vient de fonder la Société pour la revendication des droits civils avec Louise Michel, Gustave Eiffel entreprend la construction du nouveau Bon marché. Lorsque la guerre de 1870 éclate, Madeleine, nommée interne à titre provisoire, reste à son poste, y compris pendant les bombardements de l’hôpital, où elle est affectée, assurant aussi son service pendant la Commune. Son zèle et ses capacités de médecin sont loués, à vingt-huit ans, elle est déjà veuve et mère de trois enfants. La paix revenue l’externat et l’internat lui sont pourtant refusés malgré les manifestations et les pétitions en sa faveur. La jeune femme parvient malgré tout, à trente-trois ans, en 1875, à soutenir sa thèse : De la mamelle et de l’allaitement. Elle est la première docteure en médecine française. Grâce au mécénat de femmes, elle entreprend, en 1880, la construction de la première crèche inaugurée en 1893, aux Batignolles. L’abrogation de la loi interdisant l’externat aux femmes est votée l’année de l’inauguration des premiers établissements d’enseignement secondaire public, Madeleine a quarante ans. Cinq ans plus tard, cent quatorze femmes sont inscrites à l’université de médecine, parmi elles douze Françaises, soixante-dix Polonaises et huit Anglaises. Si les lycées de jeunes filles sont créés depuis cinq ans, passer le baccalauréat nécessite l’octroi d’une dérogation et de coûteux cours supplémentaires, les programmes féminins des lycées publics ne devant pas mener aux bancs de la Sorbonne. A quarante-neuf ans, en 1891, Madeleine est envoyée par le ministre de l’intérieur en Suisse afin d’étudier des crèches. Cette année là, Marguerite Durand entre au Figaro et où elle crée la rubrique courrier. De retour, la docteure Bres dirige le journal Hygiène de la femme et de l’enfant, et publie des ouvrages de puériculture. Après la Première guerre mondiale, elle tombe peu à peu dans l’oubli et décède pauvre et aveugle à plus de soixante-quatorze ans.
Madeleine Brès 1842-1921
Madeleine Brès 1842-1921
La première doctoresse française : conversation avec Madame Madeleine Brès, docteur en médecine in la Chronique médicale 1895, vol.2, n°7 in Bibliothèque numérique Medic
Lacomme Maurice, Premières
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Schultze Caroline, Lafemme médecin au XIXe s. 1888 Thèse de médecine in Bibliothèque numérique Medic
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Debré Jean-Louis et Bochenek Valérie, Ces femmes qui ont réveillé la
France, Paris, Fayard, 2013
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