lundi 6 avril 2015

6. Manon Roland



      Manon Roland monte sur l’échafaud cinq jours après Olympe de Gouge dont elle est la cadette de six ans. Née Jeanne Marie Philipon, en 1754, elle est fille d’un maître graveur parisien. Seule survivante d’une fratrie de sept enfants, Manon est très pieuse, intelligente, ferme, résolue, vive et enthousiaste. Ayant appris le latin avec l’un de ses oncles, elle se prend de passion, à huit ans, pour la Vie des hommes illustres de Plutarque ainsi que pour Bossuet, Montesquieu et Voltaire. Mise au couvent à onze ans, elle abandonne l’idée de la clôture, qui lui était venue pour se consacrer à l’étude et au ménage de son père. Lors d’un séjour à Versailles, en 1774, elle rencontre Jean-Marie Roland de la Platière, économiste d’Amiens, qui la demande en mariage. Elle y consent six ans plus tard et met au monde peu après sa fille, Eudora. La botanique entre dans sa vie, Manon herborise le long des canaux, collectant pour l’ouvrage de son époux, L’art du tourbier, ce qui ne la préserve pas de l’ennui. Résolue, ne pouvant faire carrière par elle-même, la jeune femme prend en main la vie professionnelle de son mari, menant son ménage à Lyon, en Angleterre et en Suisse. J’ai quelques fois envie de prendre une culotte, un chapeau, pour avoir la liberté de chercher et de voir le beau de tous les talents.
La Révolution est l’opportunité qu’elle attendait. De retour à Paris, Manon tient, à partir de 1791, un salon exclusivement masculin, lieu de rendez-vous des Girondins dont elle est l’égérie. Jean-Marie, grâce aux relations de son épouse, est nommé ministre de l’intérieur, en mars 1792. Femme politique, elle n’hésite pas à rédiger, entre autres, les lettres demandant au roi de revenir sur son véto. Démis de ses fonctions en juin, le ministre est de retour à son poste après le 10 août. Si les massacres de septembre lui répugnent, contrairement à Olympe, elle n’en dit rien, mais elle n’hésite pas à s’en prendre à Danton. Son mari démissionne deux jours après l’exécution de Louis XVI. En mai, les Girondins tombent, son mari fuit, Manon reste à Paris, où elle est arrêtée. La jeune femme passe cinq mois à la Conciergerie.
La prisonnière refuse l’opportunité de fuir qui lui est faite par l’une de ses amies et écrit depuis sa cellule, L’Appel à l’impartiale postérité, mémoires destinées à sa fille. Son procès a lieu le matin du 8 novembre à 9h. A 14h30, elle est condamnée à mort et exécutée le soir même. Passant devant statue de la Liberté, proche de son lieu d’exécution, elle aurait dit : O liberté comme on t’a jouée. Son compagnon d’infortune ayant perdu toute dignité dans la charrette les menant au supplice, Manon lui laisse la préséance afin de lui épargner la vue du fonctionnement de la guillotine. La Montalbanaise est décollée à trente-neuf ans. Le Moniteur fait son épitaphe. Le désir d’être savante la conduisit à l’oubli des vertus de son sexe, et cet oubli, toujours dangereux, finit par la faire périr sur l’échafaud. Qu’on se le dise, la femme politique en sortant de son statut perd la tête, il est donc normal que le tribunal de la Nation la lui ôte.





Manon Roland 1754-1793


Roland de la platière, J.-M., Mémoires de Madame Roland, 1905, in Gallica BnF
Roland de la platière, J.-M., Mémoires, Mercure de France, 2004Roland de la platière, Jeanne-Marie, Lettres d’amour, Mercure de France, 2003 Roland de la platière, Jeanne-Marie, Enfance, Gallimard, 2010
Duhet M.P., Les femmes et la Révolution, 1789-1794, Paris, Gallimard, 1979
Furet F. et Ozouf, M. La Gironde et les Girondins, Paris, Payot, 1991
Ozouf Mona, Les mots des femmes, Essais sur la singularité française, Fayard, 1995




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