samedi 11 avril 2015

19. Silvia Monfort


          Simone Marguerite Favre – Bertin, dite Silvia Monfort son alias de résistance, la benjamine des Panthéonistas, naît en 1923, Sarah Bernhardt est morte deux mois et demi plus tôt. Auteure comme son auguste devancière, amoureuse de théâtre avant tout, bien que le cinéma lui apporte la célébrité, Silvia œuvre à offrir la culture à tous. Fille du sculpteur Charles Favre – Bertin, élève précoce, bachelière à quatorze ans et demi, en 1939, la jeune fille rencontre à seize ans, son futur mari, Maurice Clavel, dirigeant du réseau de résistance d’Eure et Loir, sous le pseudonyme de Sinclair. Armée, elle participe à la libération de Nogent-le-Rotrou et de Chartres en 1944, à peine majeure quand elle accueille le général De Gaulle sur le parvis de la cathédrale, qui lui remet lui même la Croix de guerre, comme le général Patton lui offre la Bronze Star Metal.
L’année suivante, remarquée dans La casa de Bernarda Alba de F. Garcia Lorca, elle intègre la distribution de L’Aigle à deux têtes de Jean Cocteau, pièce qui entame une tournée internationale assurant sa renommée. En 1946, Jean Vilar en fait sa Chimène, vingt-quatre ans, pour le premier festival d’Avignon. Deux ans plus tard, elle interprète l’adaptation cinématographique de L’Aigle à deux têtes, et en 1955, à trente-deux ans, son allure juvénile lui permet d’être Eponine dans les Misérables. Sur les planches, comme Rachel et Sarah Bernhardt, avant elle, son plus grand rôle est Phèdre, qu’elle joue pour la première fois à trente-sept ans, en 1960, et pour la dernière à soixante-deux ans. Résistante et actrice, Silvia est aussi romancière, metteur en scène et directrice de théâtre comme Sarah Bernhardt.
Son théâtre itinérant, Les tréteaux de France, a pour vocation d’ouvrir le théâtre à tous. A force de combat, Silvia obtient que le Monfort soit installé dans le carré Thorigny, dans un quartier insalubre, celui qui l’a vu naître, le Marais. Elle est lancée dans une adaptation de Sophocle et joue Electre quand Charlotte Delbo publie enfin, en 1965, Aucun de nous ne reviendra.
Silvia décède à soixante-huit ans d’un cancer du poumon, en 1991, peu avant l’ouverture de son nouveau théâtre, celui qui porte son nom Le Monfort-Théâtre.




Silvia Monfort 1923  - 1991 


Monfort Silvia, Il ne m’arrivera rien 1946            
Monfort Silvia, La raia 1959
Monfort Silvia, Les Anes rouges, Julliard, 1966                       
Martinot-Lagarde T, Silvia Monfort, une vie de combat pour le théâtre, Cahiers d’une exposition, BnF, 2003
Piazza F., Silvia Monfort : Vivre debout, D. Carpentier, 2011
Les enfants terribles, Jean Cocteau, 1947
Médée, 1953, Ina
Le mariage de Figaro, présentation et pièce, in le Théâtre et l'Université, 1957
La complainte de Fantomas de Robert Desnos, 1960, Ina
Silvia Monfort et Alexis Gruss 1976, Ina 
Radioscopie Silvia Monfort/Jacques Chancel 1978, Ina
Tribunal des flagrants délires, 1981, Ina

18. Charlotte Delbo


      Charlotte Delbo nait en 1913, au cœur de l’été, trois ans après Simone de Beauvoir, dans une famille d’immigrés italiens. Autodidacte, bilingue en anglais, elle apprend la sténographie, comme Alice Guy avant elle. A vingt-et-un ans, la jeune femme entre dans les Jeunesses communistes et rejoint deux ans plus tard, en 1936, l’Union des jeunes filles de France, créée et dirigée par Danièle Casanova. Jeune mariée, elle fait des piges pour les journaux du Parti communiste dont ceux que codirige Andrée Viollis. Devenue l’assistante de Louis Jouvet, elle le suit en tournée jusqu’en Amérique latine. Lorsque la guerre éclate, et après la débâcle, Charlotte décide de laisser la troupe et de revenir par ses propres moyens en France, retrouvant son mari qui, entré dans la clandestinité, travaille pour ce qui devient les Lettres françaises. Elle prend sa relève au grade d’adjudant chef au titre de résistance française. Cinq mois avant les rafles du Vel d’hiv et avant le débarquement en Afrique du Nord, le 2 mars 1942, le réseau auquel appartient Charlotte tombe, son mari, Danielle Casanova, Jacques Decour, les époux Vaillant-Couturier et elle-même sont interpellés, torturés et transférés à la Santé. Son mari est fusillé, deux mois plus tard, au Mont Valérien. Charlotte a fêté ses vingt-neuf ans depuis deux semaines, quand le 24 août elle est transférée de la prison de la Santé au camp de Romainville, où elle reste jusqu’au 20 janvier 1943. Embarquée dans un convoi qui emporte deux cent trente déportées politiques vers Compiègne, et qui repart le 24 janvier vers Auschwitz, seul convoi de femmes déportées politiques parti vers cette destination. 85 % des déportées sont des résistantes et quarante-cinq d’entre elles sont les veuves de résistants fusillés. Le convoi arrive trois jours plus tard, le 27 janvier à Birkenau. Les Françaises entrent dans le camp en chantant la Marseillaise. Le 10 avril, deux mois et demi plus tard, seules soixante-dix d’entre elles sont encore vivantes, dont Charlotte qui a survécu au typhus. Le 3 août, les cinquante-sept survivantes sont mises en quarantaine et mieux traitées, cinq d’entre elles meurent néanmoins avant décembre. En janvier 1944, un an après le début de sa déportation, Charlotte est envoyée à Ravensbrück, où elle est libérée par la Croix Rouge internationale, le 23 avril 1945, après plus de deux années d’internement. Agée de trente-et-un ans, la jeune femme, matricule 31 661, en garde au cœur une myocardie parcellaire, qui la contraint à entrer en clinique en 1946. Depuis sa chambre, elle écrit Aucun de nous ne reviendra, qu’elle relègue dans un tiroir durant près de vingt ans. Dans la foulée, elle rédige, aidée de ses amies survivantes, Le convoi du 24 janvier, notice biographique de ses deux cent vingt-neuf compagnes de déportation.
Passée la cinquantaine, elle publie la plupart de ses œuvres, récits, drames et poèmes. Celle qui est connue pour sa gaité et son goût du champagne, s’éteint un an avant Simone de Beauvoir, victime d’un cancer, à soixante-douze ans.




Charlotte Delbo 1913-1985


Delbo Charlotte, Qui rapportera ces paroles ?, tragédie en trois actes, P.-J. Oswald, Paris, 1974.
Delbo C., Aucun de nous ne reviendra, éd. de minuit, 2007
Delbo C., Le convoi du 24 janvier, éditions de minuit, 2002
Gelly Violaine, CharlotteDelbo, Fayard, 2013 
Hatzfeld J. L'urgence Charlotte Delbo in Le Monde Mai 2013
Mesnard Philippe, Témoigner entre histoire et mémoire, Kimé 2010
Dargnies S. Une vie, une oeuvre. Charlotte Delbo, France culture 2013
Varier Zoé, Charlotte Delbo, et 2de partie France inter, 2013

17. Simone de Beauvoir

Physiquement, Madame de Beauvoir a le gros mérite de s’écarter du type femme de lettres, à mine pointue et teint triste. Jeune vive, une voix plaisamment éraillée, le cheveu noir et l’œil de Delft, le visage clair et le soulier plat, elle aime le voyage et la discussion ; les quarante kilomètres à pied dans la journée et les quarante heures de discussion quand la discussion l’intéresse. Sur Simone de Beauvoir, agrégée de philosophie depuis 1929, on a raconté des tonnes de salades. Simone de Beauvoir et Sartre devraient consommer gratis dans tous les bistrots qu’ils ont lancés.
In Manuel de Saint-Germain-des-Près. Boris Vian

Simone Bertrand de Beauvoir naît en janvier 1908. Professeure de philosophie, elle n’aime pas Georges Sand, loue Hubertine Auclert et ses luttes solitaires, même si elle juge durement sa focalisation sur le suffragisme. Simone peut voter pour la première fois à trente-sept ans, Hubertine jamais.
Si l’on n’est pas aimable, reste la littérature et le simple plaisir de respirer. La Première guerre est fatale à la fortune et à l’honneur de la famille de Beauvoir, Simone a dix ans. Cinq ans plus tard, elle décide qu’elle sera un écrivain célèbre. En 1925, un an après l’harmonisation des programmes secondaires masculins et féminins ouvrant à toutes les jeunes filles le baccalauréat, elle en est lauréate à dix-sept ans, entamant en parallèle des études de lettres et de sciences. Licenciée à vingt ans, elle est encore mineure, lors de sa rencontre avec Sartre et Nizan. L’année suivante, celle de sa majorité elle est reçue deuxième de l’agrégation de philosophie dont Sartre est major. Bisexuelle, elle est renvoyée du lycée Molière, en 1939, à la suite d’un scandale lié à sa relation avec l’une de ses élèves. La sanction tombe en 1941, une suspension pour excitation à la débauche sexuelle, Simone a trente-trois ans. Les années passent Simone écrit l’Invitée. Toute la France est occupée, les convois de déportés se multiplient, Charlotte Delbo tente de survivre depuis deux ans à Ravensbrück, les activités de Rose Valland manquent d’être repérées et Joséphine Baker chante sur le front nord africain.
A la Libération, Simone devient compagnon de route du Parti communiste français, peu après, en pleine crise de Berlin, à quarante-et-un ans, l’écrivaine connaît la consécration avec le 2ème sexe vendu à 22 000 exemplaires dès la première semaine de sa sortie. Le livre est mis à l’Index par le Vatican ; les ventes explosent.  Les Etats-Unis font un triomphe à l’ouvrage qui se vend à un million d’exemplaires, fait l’effet d’une bombe sur la société, et remet en cause la construction du féminin par le corps social, dans la foulée son roman Les Mandarins est distingué par le Prix Goncourt. Elle se bat aux côtés de Gisèle Halimi et d’Elisabeth Badinter, pour la reconnaissance des violences faites aux femmes et pour revendiquer le droit à l’avortement. Avec mai 1968, son engagement féministe est de plus en plus radical, tout en montrant un intérêt grandissant pour le sujet de l’avancée en âge. Simone signe le Manifeste de 1971 en plein combat pour la légalisation de l’avortement. En 1986, le Castor, qui parlait de bouche à oreille à ses lecteurs, s’éteint à soixante dix-huit ans. Ses funérailles sont suivies par plus de cinq mille personnes.




Simone de Beauvoir 1908-1988


Beauvoir S., Le deuxième sexe, Gallimard, réédition, 2010
Deguy Jacques, Simone de Beauvoir, Gallimard, 2008
Frain Irène, Beauvoir in love, M. Lafon, 2012
Fraisse G., Le privilège de Simone Beauvoir, Actes Sud, 2008
Francis Claude, Simone Beauvoir, Perrin, 2006
Golay Annabelle Martin, Beauvoir intime et politique : La fabrique des Mémoires, Presses Univ. du Septentrion, 2013.
Monteil Cl., Simone de Beauvoir et les femmes aujourd'hui, Odile Jacob, 2011
Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, 1948, Prix Goncourt, 1954, Pourquoi je suis féministe ? 1975, Obsèques de Simone de Beauvoir, 1988, in Ina
Prix Simone de Beauvoir
Simone de Beauvoir, photographies, in Paris en Images


16. Joséphine Baker

       Joséphine Baker naît Freda Joséphine MacDonald, en 1906 à Saint-Louis aux Etats-Unis. Reconnue par son beau-père, Joséphine, placée chez des blancs dès ses huit ans, est maltraitée. A onze ans, elle assiste aux grandes émeutes de Saint-Louis, où trente-neuf noirs sont tués. Au terme de l’insurrection et de sa répression, les sans-abris se comptent par milliers. L’enfant fuit le foyer familial par un mariage à treize ans, ce qui ne l’empêche pas d’être ouvertement bisexuelle toute sa vie. Divorcée avant ses quatorze ans, elle intègre une troupe de danse itinérante. A Philadelphie, elle rencontre Willie Baker, qu’elle épouse en 1921, à quinze ans. Rêvant des lumières de Broadway, elle quitte son second mari, part pour New York, où la femme de l’attaché commercial de l’ambassade des Etats-Unis l’intègre à La Revue Nègre pour se produire à ParisA dix-neuf ans, Joséphine est l’une des huit chorus girls du spectacle. La première, en 1925, sept ans après la fin de la Première guerre, entre scandale et succès avant-gardiste, lance la carrière de la jeune créole. Posant pour les artistes impécunieux, modèle de Poiret enthousiasmé par son corps libre et félin, la jeune femme est la coqueluche du tout Paris ayant même une pommade plaquante de cheveu à son nom, la Bakerfix. Après une mouvementée tournée européenne, elle chante aux Folies Bergères accompagnée d’un léopard et contribue à la préface de Tumulte Noir publié en 1927.
Depuis que la Revue Nègre est arrivée au Gai Paris, je dirais qu'il fait de plus en plus noir à Paris. D'ici peu, il fera tellement noir qu'on craquera une allumette, puis on en craquera une autre pour voir si la première est allumée ou non.
En 1931, à vingt-cinq ans, elle susurre J’ai deux amours, véritable triomphe, le music-hall assure son fastueux train de vie. Très généreuse, elle participe à de nombreuses œuvres, notamment durant la crise. Joséphine est naturalisée en 1937.
Dès le début de la Seconde guerre, la jeune femme chante pour la Croix Rouge à ses frais, tout en étant un agent du contre-espionnage, avant d’intégrer les forces féminines de la France Libre, malgré de graves problèmes de santé. Comme Rose Vallant, à la Libération Joséphine est distinguée par la Croix de guerre, la médaille de la Résistance et la Légion d’honneur.
Après son troisième mariage, en 1947, à quarante-et-un ans, la belle métisse adopte des enfants du monde entier, créant une famille difficile à gérer et vite privée de père.
En 1963, entrée dans la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, Joséphine participe en VIP à la marche de Washington de Martin Luther King, où vêtue de son uniforme des Forces Françaises Libres, arborant ses médailles, fière de la reconnaissance française par delà la couleur, elle représente officieusement la France lors de ce moment historique.
Totalement impécunieuse, expulsée de son château en 1969, elle est accueillie par sa compatriote Grace Kelly, devenue princesse de Monaco. Remontant sur scène pour des galas jusqu’à ses soixante-neuf ans, elle décède quelques heures après une représentation à Bobino.
Lors de ses funérailles, les honneurs militaires lui sont rendus. La femme aux deux amours a pour ultime requête que les fleurs destinées à sa sépulture soient recueillies pour fleurir la tombe du soldat inconnu.

Vivre, c’est danser et j’aimerais mourir haletante, épuisée, à la fin d’une danse.


Joséphine Baker 1906-1975


Les mémoires de Joséphine Baker recueillies par Marcel Sauvage, Paris, Colin, 1927
Baker Joséphine et Bouillon Jo, Joséphine, R. Laffont, 1976
Barbier M. Tumpie, dite Joséphine Baker, Ed. Alan Sutton, 2005
Colin Paul, Joséphine Baker et la Revue nègre, la Martinière, 1998
Onana Charles, Joséphine Baker contre Hitler 2006
Pessis Jacques, Joséphine Baker, Folio, 2007
Rose Phyllis, Joséphine Baker : une Américaine à Paris, Fayard, 1990
Joséphine Baker, photographies, in Paris en images
Joséphine Baker, enregistrements sonores, in Gallica, BnF
Les artistes sous l'occupation in L'Histoire par l'image


15. Maryse Hilsz

Vient l’escadron des aventurières de l’air qui, quand elles ont survécu à leurs aventures aériennes, sont plus qu’à leur tour entrées dans la Résistance, parmi elles, Maryse Bastié et sa consœur et concurrente, Maryse Hilsz, issue elle d’une famille très modeste, s’engouffre dans l’aventure aérienne. Née en 1901, simple modiste, elle s’inscrit à vingt-trois ans dans un concours de parachutisme alors qu’elle n’est jamais montée dans un avion. Multipliant les sauts d’exhibitions pour financer son brevet, elle est considérée comme une femme d’action élégante et à forte personnalité. Virtuose en très peu de temps, elle réalise en 1930, un an après avoir obtenu son brevet, le record de longue distance Paris-Saigon-Paris, là où Hélène Boucher déclare forfait. Trois ans après Saigon, elle augmente son record de distance et de vitesse par un Paris-Tokyo-Paris. Dans la foulée, elle améliore son record d’altitude en avion à hélice avec 14 310 m, jamais égalé pas une femme. Maryse pilote et répare seule son avion. En décembre 1937, la jeune femme bat le record de vitesse masculin Paris-Saigon, effectuant le vol en quatre jours. En 1941, elle entre dans la Résistance. A la Libération, le ministre de l’air communiste crée un corps français de pilotes femmes à l’image de celui existant en Urss, mais le recrutement prend fin dès 1946. Maryse, sous-lieutenant de l’armée, trouve la mort dans ses fonctions, à quarante-cinq ans.


Maryse Hilsz 1901-1946


Bastié Maryse, Ailes ouvertes : carnet d’une aviatrice, 1937
Bastié Cédric, L'Aventure Maryse Bastié, Éditions Nouvelles, 2007
Clément Virginia, Maryse Bastié, 1956
Marck Bernard, Elles ont conquis le ciel, Éditions Arthaud, 2009
            Vice-amiral Amanrich, Une française, Maryse Bastié, 1953
  

14. Rose Valland


    En 1898, Rose Valland naît en pleine affaire Dreyfus, neuf mois plus tôt l’Aurore publiait J’accuse. Née le jour de la Toussaint, Rose, fille d’un charron et maréchal ferrant, entre à seize ans à l’école normale d’institutrices. Formée durant la guerre, douée pour les Beaux-arts, elle part à Lyon où elle reçoit de nombreux prix. A vingt-quatre ans, elle est admise aux Beaux Arts de Paris, et peut, neuf ans plus tard, soutenir une thèse à l’Ecole du Louvre sur l’Art italien jusqu’à Giotto. Rose parle parfaitement l’allemand et sillonne l’Italie.
Depuis 1932, et ses trente-quatre ans, la jeune femme est attachée bénévole à la Galerie nationale du Jeu de Paume, où elle est salariée et titularisée neuf ans plus tard. Paris est occupé depuis plus d’un an, quand Jacques Jaujard l’attache aux œuvres spoliées par les nazis dont le Jeu de Paume est le dépôt central. Durant quatre années, Rose enregistre tous les transferts effectués, collectant les carbones jetés dans les poubelles, fournissant des informations à la résistance sur les convois d’œuvres d’art et informant les Américains des lieux de stockage afin d’éviter leur bombardement. Le 24 novembre 1944, elle intègre la Commission de récupération artistique qui n’est dissoute qu’en 1949, vivant en zone d’occupation en Allemagne afin de mener à bien ce travail, qui la conduit à témoigner au procès de Nuremberg. Elle y rencontre Joyce Heer, interprète de l’ambassade des Etats-Unis, qui est sa compagne durant trente ans. De retour en France, elle est nommée chef du service de la protection des œuvres d’art et deux ans plus tard, à cinquante-sept ans, conservatrice des musées nationaux. En 1961, son autobiographie, Front de l’art, connaît le succès et inspire le film, Le train. Retraitée en 1968, Rose vaque toujours à la restitution des œuvres spoliées jusqu’à son décès à quatre-vingt deux ans, en 1980.


Rose Valland 1898-1980


Valland Rose, Le front de l’art, Plon 1961, et RMN-Grand Palais, 2014
Bouchoux Corinne, Rose Valland, résistance au musée, 2006
            Catel, Bouhac, Pollack, 
Rose Valland, CapitaineBeaux-arts, Dupuis, 2009
Edsel, Robert, M. Monuments men, Gallimard, 2014
Pollack E., Dagen P. et Bonnefoy F., Les Carnets de Rose Valland, 2011
Sprang P., Rose Valland, un monument de résistance, in Paris Match, fév. 2014
Rose Valland in Ina
Cap. Rose Valland, in Monuments Men Fondation



13. Paulette Nardal

Paulette Nardal naît, en 1896, trois ans après Louise à des milliers de kilomètres de l’Hexagone, en Martinique, là où est née près d’un demi-siècle plutôt Sophie Lumina. Issue d’une famille modeste mais cultivée, aînée de sept sœurs, Paulette devenue institutrice, part pour la métropole à vingt-quatre ans, où elle souhaite étudier l’anglais à la Sorbonne ce qui n’exclu pas une fréquentation assidue du bal nègre. Licenciée d’anglais, elle se fait journaliste, approchant les écrivains du Harlem Renaissance et tenant salon avec deux de ses sœurs, dans son appartement de Clamart, où les réunions bilingues se multiplient afin de créer des liens entre écrivains noirs de tous horizons. Paulette, sa sœur Andrée et le haïtien Leo Sajous fondent La Revue du Monde Noir. Revue bilingue et tribune noire à laquelle contribuent Claude McKay, Langston Hughes et Léopold Sedar Senghor, tout comme l’ethnologue allemand Leo Frobenius. La jeune femme fonde un mouvement précurseur de la Négritude. La devise de la revue est : Pour la paix, le travail et la justice, par la liberté, l’égalité et la fraternité. En 1932, après six numéros, l’aventure s’achève. Mais le mouvement est lancé. Césaire et Senghor ont repris les idées que nous avons brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d'étincelle. Nous n'étions que des femmes. Nous avons balisé les pistes pour les hommes. 
Paulette part au Sénégal en 1937, à quarante-et-un ans, sur l’invitation de Senghor. Après avoir tenté de mobiliser contre l’invasion de l’Ethiopie, membre de la SDN, par Mussolini, elle est victime, en 1939, d’un naufrage dû au torpillage de son navire par un sous-marin allemand au large de l’Angleterre qui la laisse handicapée. Elle retourne en Martinique, où nombre de jeunes rejoignent la Résistance en passant par les îles anglophones. Paulette leur donne clandestinement des cours d’anglais afin qu’ils puissent être opérationnels dès leur arrivée. A la Libération, elle sensibilise les femmes martiniquaises à la politique en créant le Rassemblement Féminin, incitant les femmes de tous milieux à se servir du droit de vote, ainsi que la revue La femme dans la cité. Elle a quarante-neuf ans lorsqu’elle glisse pour la première fois un bulletin de vote dans une urne. La création de crèches et l’aide aux filles-mères sont ses priorités dans les décennies suivantes. L’année du centenaire de l’abolition de l’esclavage et de la naissance de Surprise, Paulette inventorie la tradition musicale des campagnes martiniquaises, le Bèlè et le Ladjia disparaissant face à la concurrence du jazz. Le 16 février 1985, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans, Paulette s’éteint.


Paulette Nardal 1896-1985


Confavreux Joseph, Paulette Nardal, in collection Nos Histoires, documentaire, Point du jour, 2009