lundi 6 avril 2015

1. Geneviève


Recueillons pour commencer quelques grands noms à dater d’avant l'époque de notre liberté, quelques gouttes d’eau dans un océan de femmes ayant vécu avant la Révolution française.

Les premières Panthéonistas sont les femmes politiques du Haut Moyen-Age.
Gallo-romaines, franques, mérovingiennes et carolingiennes, esclaves devenues reines, filles de princes, régentes, toutes sont des femmes de pouvoir ayant promu le christianisme et de fait laissé leur nom dans la tradition historique chrétienne écrite par les moines, la seule qui nous soit parvenue. Bien d’autres, restées anonymes ariennes ou païennes, auraient pu prétendre aux murs du Panthéon, mais leurs noms et leur mémoire se sont perdus. Parmi les chrétiennes, les héroïnes locales ont tôt fait d’être canonisées : Clothilde, Geneviève, Bathilde, Radegonde. Modèles messianiques, elles sont avant cela des femmes d’exception en des temps troublés où le monde romain occidental s’effondre peu à peu et le christianisme romain est en déprise.

Geneviève est la représentante des patriciennes, issues de familles métissées d’apports gallo-romains et francs. Célibataire gérant un immense patrimoine, femme d’action, politique et ascète, contemporaine de l’oriental Saint-Siméon le stylite, Geneviève naît au début du Ve siècle à Nanterre. Lutèce compte entre deux et cinq mille habitants, sa rive gauche, où ont fleuri de belles villas près du forum et de son grand temple, est dévastée à de nombreuses reprises en une décennie.
Objet d’une dévotion particulière de son vivant, à laquelle sa longévité exceptionnelle n’est pas étrangère en un temps où l’espérance de vie moyenne est de moins de trente-cinq, les Parisiens font d’elle une ancre dans une période d’instabilité et d’invasions constantes. Canonisée en un temps record, à partir d’une hagiographie écrite dès le lendemain de sa mort, commandée par Clotilde, souveraine franque avec qui elle a œuvré à la pacification et à la rechristianisation de la société. La canonisation de la reine, peu après, dit assez le lien institutionnel, politique et social entretenu par ces deux femmes. Elles contribuent à la conversion de Clovis, amenant le pouvoir franc dans les rangs de l’Eglise et surtout dans ceux des vestiges de l’ordre romain ancien, de même qu’elles rendent Paris éligible au rang de capitale du nouveau royaume des Francs. De quoi, pour certains, faire de Geneviève une sainte capable de miracles et, pour d’autres, d’y voir l’œuvre d’une politique efficace, soucieuse de ses contemporains. Le culte qui lui est voué très populaire auprès des plus humbles et des puissants, au gré des intérêts politiques et/ou cléricaux, brouille son image. Victime de la mode pastorale au XIIe siècle, la voici changée en une simple bergère filant sur la colline de Nanterre loin de la femme d’action qu’elle fut.
Issue d’une famille de l’aristocratie gallo-romaine, née vers 423, elle aurait été distinguée, à  sept ans à peine, par deux évêques, celui de Paris et celui de Troyes, où le plus gros des propriétés familiales étaient localisées. Orpheline, ascète, ne consommant, selon sa Vita, pas plus d’un repas tous les deux jours, l’enfant s’installe chez une de ses tantes sur l’île de la Cité, consacrant sa fortune et ses revenus aux plus démunis, tout en vivant elle-même dans le dénuement. En 451, à près de trente ans, elle convainc les Parisiens de ne pas fuir face à l’avancée des Huns et organise la résistance en assumant le rôle dévolu à l’évêque, en transgression de l’ordre hiérarchique. Quatorze ans plus tard quand Childéric, père de Clovis, assiège la ville, elle force le blocus pour ravitailler la ville, ramenant onze barques chargées du blé de ses terres de Troyes.
Le 3 janvier 512, Geneviève fille d’un père franc romanisé, Sévère, et d’une mère grecque Gérontia, que ses parents ont doté d’un nom gaulois, s’éteint à quatre-vingt-neuf ans. Elle est inhumée dans l’abbatiale qu’elle a contribué à faire bâtir sur le mont de Mercure, consacrée à Saints Pierre et Paul au sein d’un monastère chargé de promouvoir le savoir et  l’enseignement. Les habitants, n’en font qu’à leur tête et l’appellent déjà de son nom : abbaye Sainte-Geneviève. L’Empire romain d’occident est tombé depuis trente-huit ans.
Geneviève est femme des temps de chaos, ceux qui voient l’ordre gallo-romain s’effondrer quand l’ordre franc émerge à peine.





Geneviève 423-512


Bouquillard Jocelyn, exposition virtuelle Bibliothèque Sainte-Geneviève Sainte-Geneviève (423-512). Image d’une légende, 2012 
Gallo Marx, Geneviève de Paris, lumière d’une sainte dans un siècle obscur, XO, 2013




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