Au vote députés !




Acte III  
Au vote députés !



Toute ma politique se résume en un mot : ça manque de femmes.
Andrée Viollis






Madeleine Bres - Sophie Lumina - Sarah Bernhardt
Hubertine Auclert - Séverine - Marguerite Durand


Chapitre premier
A la conquête des droits


En 1842, l’année du triomphe de Rachel dans le Cid de Corneille, naît dans le Gard, la petite Madeleine Gebelin, future Madame Brès. Fille d’un charron, elle a la révélation de la médecine en accompagnant, à huit ans, son père appelé pour des travaux à l’hôpital de Nîmes. L’année de la mort de Rachel, à quinze ans, elle est mariée à un conducteur d’omnibus. La famille Gebelin vit à Paris depuis trois ans déjà. En 1866, elle décide de devenir médecin, peut-être encouragée par les performances de Julie-Victoire Daubié, bachelière depuis quatre ans. Agée de vingt-quatre ans et déjà mère de famille, elle sollicite le doyen de l’Université afin d’officier pour les femmes et les enfants. Il la renvoie dans son foyer en lui suggérant d’obtenir le baccalauréat dans un premier temps. Son mari l’autorise à s’inscrire, trois ans après sa demande et en candidate libre Madeleine est bachelière. Maria Deraismes vient de fonder la Société pour la revendication des droits civils avec Louise Michel, Gustave Eiffel entreprend la construction du nouveau Bon marché. Lorsque la guerre de 1870 éclate, Madeleine, nommée interne à titre provisoire, reste à son poste, y compris pendant les bombardements de l’hôpital, où elle est affectée, assurant aussi son service pendant la Commune. Son zèle et ses capacités de médecin sont loués, à vingt-huit ans, elle est déjà veuve et mère de trois enfants. La paix revenue l’externat et l’internat lui sont pourtant refusés malgré les manifestations et les pétitions en sa faveur. La jeune femme parvient malgré tout, à trente-trois ans, en 1875, à soutenir sa thèse : De la mamelle et de l’allaitement. Elle est la première docteure en médecine française. Grâce au mécénat de femmes, elle entreprend, en 1880, la construction de la première crèche inaugurée en 1893, aux Batignolles. L’abrogation de la loi interdisant l’externat aux femmes est votée l’année de l’inauguration des premiers établissements d’enseignement secondaire public, Madeleine a quarante ans. Cinq ans plus tard, cent quatorze femmes sont inscrites à l’université de médecine, parmi elles douze Françaises, soixante-dix Polonaises et huit Anglaises. Si les lycées de jeunes filles sont créés depuis cinq ans, passer le baccalauréat nécessite l’octroi d’une dérogation et de coûteux cours supplémentaires, les programmes féminins des lycées publics ne devant pas mener aux bancs de la Sorbonne. A quarante-neuf ans, en 1891, Madeleine est envoyée par le ministre de l’intérieur en Suisse afin d’étudier des crèches. Cette année là, Marguerite Durand entre au Figaro et où elle crée la rubrique courrier. De retour, la docteure Bres dirige le journal Hygiène de la femme et de l’enfant, et publie des ouvrages de puériculture. Après la Première guerre mondiale, elle tombe peu à peu dans l’oubli et décède pauvre et aveugle à plus de soixante-quatorze ans.

Henriette Rosine Bernard, née en 1844, se forge, en près de quatre-vingt ans, un nom, Sarah Bernhardt, et une devise, Quand même. Fervente admiratrice de Rachel, qui meurt l’année de ses onze ans, elle veut vivre à son image et rendre les scènes incandescentes. Sarah dépasse son modèle en dirigeant son propre théâtre. Fille d’une courtisane juive hollandaise, inscrite au couvent des Grands-champs à Versailles, elle vit une crise mystique, se fait baptiser, et envisage d’entrer en religion. A quatorze ans, trois ans après la mort de son idole, Sarah est reçue au Conservatoire. A dix-neuf ans, elle entre à la Comédie-Française et en est renvoyée sept ans plus tard pour avoir giflé une sociétaire. A la veille de la guerre de 1870, la rousse Sarah est repérée à l’Odéon. L’année suivante, lors du siège de Paris, alors que Madeleine Bres officie en tant qu’interne provisoire, l’actrice change l’Odéon en hôpital de fortune, où officiant en tant qu’infirmière, elle dispense des soins au futur général Foch, qu’elle retrouve quarante-cinq ans plus tard dans sa tournée aux armées sur le front.
Actrice et demi-mondaine, les hommes font sa fortune. Après la guerre de 1870, Hugo, de retour d’un exil de vingt ans, rencontre la Lionne qui a vingt-sept ans. En retour, le poète l’aide à maîtriser son jeu. Le succès est quasi immédiat, alimenté par une solide campagne médiatique. Sarah joue quatre pièces en 1871 et se fait une réputation de réparties assassines qu’elle agrémente de quelques axiomes. Il faut haïr très peu, car c'est très fatiguant, il faut mépriser beaucoup, pardonner souvent, mais ne jamais oublier. L’année suivante, elle triomphe dans le rôle de la reine dans Ruy Blas de son mentor, la Comédie française la rappelle six ans après son renvoi. Jouant Racine et Hugo, elle réconcilie anciens et ex-modernes. La réussite vient sur le tard, quand la silhouette androgyne qui lui a posé bien des problèmes la mène au triomphe dans des rôles travestis d’adolescents, dont L’Aiglon d’Edmond Rostand qu’elle joue jusqu’à ses cinquante-six ans.
A trente-six ans, la Divine démissionne de la Comédie française à qui elle doit de conséquents dommages et intérêts, ce qui n’entrave pas la création de sa propre compagnie, avec laquelle elle fait fortune en jouant sur les cinq continents, véhiculée dans un train spécialement affrété pour sa troupe et ses huit tonnes de malles personnelles. En 1882, Sarah prend la direction du Théâtre de la Renaissance. Dreyfusarde, elle soutient Zola, comme elle a toujours soutenu Louise Michel. Les deux femmes ont, entre autres, pour cause commune leur opposition à la peine de mort. En 1903, à l’âge de cinquante-neuf ans, Sarah est Hermione, la jeune première d’Andromaque. A soixante-dix ans, la République lui offre la Légion d’honneur, peu avant que l’actrice ne soit amputée de sa jambe droite qui la fait souffrir depuis des décennies. En hommage au courage des hommes sur le front, elle refuse toute anesthésie et se rend dans la salle d’opération en chantant la Marseillaise. A peine rétablie, elle reprend, en chaise à porteur, la tournée aux armées qu’elle mène durant tout le conflit.
Travailleuse infatigable et fantasque, dormant dans un cercueil afin d’alimenter la légende, elle réinvente sans cesse sa vie dans ses mémoires, joue plus d’une centaine de spectacles, écrit quelques pièces, des mémoires, des récits et s’éteint à soixante-dix-neuf ans. Sa voix d’or ne résonne plus, le pays offre au Monstre sacré des funérailles nationales.


Je suis toujours dangereuse, est la devise d’Hubertine Auclert. Née entre les deux révolutions de 1848, elle s’éteint au lendemain de la déclaration de guerre de l’Empire allemand à la France, à soixante-six ans. Issue d’une famille aisée et républicaine de l’Allier, sa mère accueille des filles-mères et manifeste de l’empathie pour celles ayant dû subir une IVG, l’occupation allemande, liée à la défaite de 1870, est une blessure profonde pour celle qui a, comme beaucoup de jeunes femmes de son temps, une fascination pour Jeanne d’Arc.
En pension au couvent, comme Sarah, Hubertine se voit devenir nonne, mais elle quitte la clôture à sa majorité, en 1869, le Second empire agonise. Après la Commune, à vingt-trois ans, elle s’installe dans un Paris en ruines. Admiratrice de Maria Deraisme et de son Association pour le droit des femmes, créée deux ans auparavant, la jeune femme axe son combat sur le suffrage des femmes et se dit féministe. Très anticléricale, elle fonde, à vingt-huit ans, la société Le droit des femmes, qui devient, cinq ans plus tard, Le suffrage des femmes. Isolée, car considérée comme trop radicale, elle lance l’hebdomadaire La Citoyenne et reçoit le soutien de Séverine. Sa stratégie est de pétitionner et d’écrire inlassablement dans les journaux, le sien, ceux des autres, sous son nom ou ceux de Liberta ou Jeanne Voitout. Les femmes doivent envahir les colonnes des périodiques et l’espace public afin d’êtres visibles, audibles et lisibles : Qu’elles demandent, qu’elles importunent, qu’elles obsèdent. Dès 1885, elle profite des funérailles nationales de Victor Hugo et marche de 9h à 18h dans la rue le long du cortège avec la banderole rose sur laquelle elle a brodé d’or : Le droit des femmes. Tous les 14 juillet, elle défile en berne et dépose une couronne à Jeanne d’Arc. La jeune femme invente le faux timbre de vote où un homme brandit Les droits de la femme, et l’affiche sur laquelle un couple vote face au soleil levant. Comme Sarah Bernhardt, Hubertine est une femme de communication.
Elle milite pour la féminisation des noms et veut bannir le mot demoiselle, pour le premier il faut attendre la loi de 1986 qui peine à être appliquée et pour la seconde 2013, un quasi centenaire après la mort de la féministe. Son seul soutien politique est le vieil Auguste Blanqui qui lui laisse la première partie de ses meetings. Louise Michel qui est son idole, la juge trop bourgeoise dans ses revendications. De son côté, Hubertine, tout aussi radicale, refuse de suivre les funérailles de Clémence Royer qui refusait le suffrage et dénonce les travers féminins et la vanité des femmes diplômées.
Partie en Algérie durant quatre ans avec son mari et son fils, elle publie au tournant du siècle Les femmes arabes en Algérie. En 1910, à soixante-deux ans, comme Marguerite Durand et Madeleine Pelletier, elle dépose une candidature illégale aux élections législatives, obtenant 4% des voix masculines exprimées.
Dans tous ses appartements, l’accompagnent un buste de la république posé sur la cheminée et un portrait de Georges Sand qui jugeait fort mal les suffragistes de 1848.

Marie-Philomène Roptus, dite Sophie Lumina ou Surprise naît en 1848, neuf mois après la seconde abolition de l’esclavage sur le territoire français, en Martinique. En France, Eugénie Niboyet et Jeanne Deroin se battent pour la reconnaissance des droits des femmes et le droit au suffrage. L’enfance de Sophie Lumina est marquée par le changement de statut des anciens esclaves et la difficile mise en place des contrats d’association laissant en jouissance aux travailleurs une case et un lopin de terre. Surprise a six ans quand sa mère, devenue chef de famille, s’installe sur l’habitation Champfleury entre Vauclin et Rivière Pilote, vendant ses bras à la journée au gré des récoltes.
Au début de l’année 1870, Surprise, jeune femme de vingt-et-un ans, est dotée d’une forte personnalité, journalière par moments, vendeuse sur les marchés, fréquentant les artisans, cultivatrice et couturière rurale, vivant en concubinage avec Emile Sidney, issu d’une famille de libres de couleur, elle s’insurge contre l’impôt dû par les anciens esclaves, méprisés et qui n’ont pas accès à l’instruction. L’affaire Lubin, entrepreneur noir victime d’un jugement arbitraire en faveur d’un jeune blanc, met le feu aux poudres, une insurrection contre la persistance des statuts coloniaux d’avant l’abolition enfle le 22 septembre 1870, quand la population du Sud de la Martinique se soulève. Lumina est des insurgés. La IIIème république a été proclamée trois semaines plus tôt en métropole, les premiers combats du siège de Paris ont commencé depuis cinq jours. L’insurrection est écrasée en cinq jours par des troupes de marine et des milices de volontaires blancs.
Surprise, enceinte de deux mois, est arrêtée le 26 septembre 1870. Elle est presque à terme lorsqu’elle passe devant ses juges. Lors de son premier procès qui commence la veille de la Commune, elle est présentée comme une femme cherchant à dominer les hommes et la flamme de la révolte, la plus féroce, la plus terrible des chefs de bande, la maniaque de l’incendie. Elle est pourtant relaxée le 17 avril d’une partie des charges. Dix jours plus tard, elle donne naissance à un garçon qui lui est retiré. Son second procès, aux chefs d’accusation de révolte, blasphème, incendie et participation active à l’insurrection, débute un mois plus tard, au lendemain du premier jour de la Semaine sanglante, Louise Michel est sur les barricades, les Versaillais prennent les XVIe et XVe arrondissement, des exécutions sommaires ont lieu dans la caserne de la rue du Bac, Madeleine Bres officie au titre d’interne provisoire et Jean Baptiste Millière réfugié rue d’Ulm n’a plus que quatre jours à vivre. Le 8 juin, Sophie, qui ne parle que le créole dans un tribunal où toutes les plaidoiries sont menées en français, est condamnée aux travaux forcés à perpétuité. Déportée en Guyane, elle arrive au bagne trois jours avant Noël. Auguste Villard condamné avec elle au bagne de Nouvelle Calédonie part en 1873 sur le Virginie, bateau où Louise Michel est embarquée elle aussi. Le fils de Sophie meurt peu après, sans être sorti de la prison où il est né.
En 1877, à vingt-neuf ans, la jeune condamnée est contrainte de se marier à un bagnard et meurt deux ans plus tard d’épuisement, de maladie et de mauvais traitements.


Voici s’avancer une femme d’une beauté renversante, correspondant aux canons du temps ; de grands yeux bleus, une bouche pulpeuse, des cheveux volumineux et blonds, un port de tête de cygne, une voix douce envoûtante. Une femme sachant écouter beaucoup et bien, un esprit brillant à l’humour corrosif. Caroline Rémy, Séverine, de son nom de plume, est la fille d’un petit fonctionnaire de la préfecture de police, née en 1855. Première femme journaliste à vivre de sa plume, formée par Jules Vallès, la rumeur veut qu’elle ait fini L’insurgé. Quatre ans plus tard, après l’accident des mines de Saint-Etienne, elle descend dans un puits et inaugure le grand reportage. Ce qu’est la vie de ces gens, je vais vous le dire, à vous tous qui, assis devant le large foyer où flambe la houille, ne savez pas ce que coûte d’efforts chacun de ces éclats de terre carbonisée. Elle lance une souscription pour les familles de mineurs. Peu après, la reporter suit pour Le Journal, la grève des casseuses de sucre de la rue de Flandres, en immersion cette fois-ci.
Refusant dans un premier temps de recevoir Madame Dreyfus qu’elle juge trop bourgeoise, elle rallie le dreyfusisme dès la sortie de l’article J’accuse, d’Emile Zola et suit son procès dans ses Notes d’une frondeuse rédigées sur le vif et publiées dans La Fronde de Marguerite Durand. La flamboyante s’engage dans la lutte pour le vote des femmes, tentant en vain de fédérer les associations suffragistes. Elle est de ceux qui participent à la fondation de la Ligue des droits de l’homme et dénoncent les massacres d’Arménie en 1898.
Multiamoureuse, femme libre, dans ses idées et ses amours, elle meurt en 1929, trois jours avant de fêter ses soixante-quatorze ans, quand Maryse Bastié reçoit la Légion d’Honneur à trente-et-un ans pour les records aériens battus tout au long de l’année, la jeune et brillante Simone de Beauvoir, âgée de vingt-et-un ans, est reçue deuxième à l’agrégation derrière Jean-Paul Sartre.
Je suis Séverine, rien que Séverine, une isolée, une indépendante.
Marguerite Durand a neuf ans de moins que sa consœur, Séverine. Son aînée la décrit comme une fine créature mince comme un jonc, au teint à peine rosé, nimbée d’un or si pâle et de fils si ténus qu’on eût cru une chevelure de jeune enfant, les yeux couleur de ciel, toute de grâce et de fragilité !
La Parisienne, fille naturelle d’Anne-Caroline Durand, membre de la bourgeoise aisée, et peut-être du sculpteur Auguste Clésinger, gendre de George Sand, naît le 24 janvier 1864. Marguerite entre à onze ans au Conservatoire et obtient à seize ans le premier prix de comédie. Un an plus tard, alors que Sarah Bernhardt a démissionné depuis quelques mois, la jeune fille joue les rôles d’ingénues à la Comédie- Française. Au faite de sa gloire, elle épouse, à vingt-quatre ans, un avocat, député boulangiste antisémite. Leur mariage dure trois ans. Marguerite désireuse d’écrire, intègre le Figaro, où elle met en place une rubrique courrier. Elle a vingt-huit ans et a divorcé depuis un an, quand envoyée à un congrès féministe international afin de dénigrer le propos, elle est conquise et refuse d’écrire à charge. L’idée lui vient de créer un journal entièrement fait par des femmes.
L'idée m'était venue d'offrir aux femmes une arme de combat, un journal qui devait prouver leurs capacités en traitant non seulement de ce qui les intéressait directement, mais des questions les plus générales et leur offrir la profession de journaliste actif. L’année suivante, La Fronde est fondée, des typographes à la rédactrice en chef, tout le personnel est féminin, les articles traitent de tout et de l’actualité. L’entregent de Marguerite, âgée de trente-sept ans, lui permet d’obtenir les autorisations nécessaires à l’entrée de ses journalistes à l’Assemblée et à la Bourse interdites aux femmes depuis 1848. Le financement de l’entreprise est le reliquat de la carrière d’actrice de la belle. Dans mon écrin étaient vingt-deux perles patiemment collectées une à une pendant des années. Perles sans défaut, perles d’orient parfaites de forme et destinées à composer un collier rare. Leur prix fut le capital de La Fronde.
Son périodique est à l’image de celle qu’elle est devenue, dreyfusarde, laïque et pacifiste. Quand le premier numéro est sous presse, Madeleine Pelletier, passe en autodidacte le baccalauréat, cinq ans plus tard, l’internat lui est refusé, la bachelière bénéficie du soutien médiatique de La Fronde et obtient gain de cause grâce à Marguerite Durand. Malgré les grands noms du journalisme féminin qui écrivent dans ses colonnes, dont Séverine, le périodique peine à survivre. Quotidien jusqu’en 1903, date où il devient mensuel, il finit par disparaître en 1905, en pleine tourmente des lois de laïcité.
Marguerite lance alors l’idée des candidatures féminines aux élections pour les municipales de 1908, reprise avec Hubertine Auclert et Madeleine Pelletier lors des législatives de 1910. Elle est de nouveau une des candidates illégales aux municipales dix-sept ans plus tard, à soixante-trois ans. En 1931, elle lègue sa bibliothèque et les documents réunis sur les femmes à la ville de Paris, créant le premier Office de documentation féministe, qu’elle dirige bénévolement jusqu’à sa mort en 1936, à la veille de l’entrée des trois premières secrétaires d’Etat féminines, dont Cécile Brunschvicg au gouvernement de Front populaire. Huit ans après sa mort, les femmes votent et sont éligibles pour la première fois de notre histoire.




Andrée Viollis - Anna Amieux - Alice Guy
Madeleine Pelletier - Cécile Brunschvicg

Chapitre deuxième
Nouvelle vague


Andrée Viollis marche sur les traces de Sévérine, dont elle est de quinze ans la cadette. Collègues à la Fronde, que dirige Marguerite Durand, Andrée rédige, de 1899 à 1903, pour le quotidien des articles contre les antidreyfusards dont son ex-mari Gustave Téry, directeur de L’Oeuvre, journal pacifiste à l’antisémitisme croissant.
Comme Séverine, la jeune journaliste a plusieurs noms, née Françoise-Caroline Claudius Jacquet de la Verryère en Provence quand Paris subit les rigueurs du siège allemand, elle prend ensuite les patronymes de ses deux maris successifs Téry puis Tizac, et enfin le pseudonyme d’Andrée Viollis. Bachelière en 1890, sur dérogation et encore mineure, la jeune fille, dont le père est un ancien préfet du Second empire et la mère tient un salon littéraire, est peu après titulaire d’une double licence et diplômée de l’université d’Oxford alors que ses congénères méritantes mais de milieux plus modestes se contentent d’un cursus d’enseignantes des lycées ou de directrices, ainsi la brillante Anna Amieux. Outre ses activités qui font d’elle la première femme nommée pour le prix Goncourt en 1913, Andrée a de ses deux mariages, quatre filles, dont Simone Téry, grand reporter et écrivaine comme elle. Un an plus tard, toujours pimpante, vêtue de robes de mousseline et en talons, très féminine d’aspect et de caractère, la très petite dame d’un naturel impulsif et généreux, qui voyage en 1ère classe, descend dans les grands hôtels, se déplace conduite par des chauffeurs, obtient le statut de grand reporter pendant la Première Guerre mondiale, tout en officiant en tant qu’infirmière dans les villes bombardées de Bar-le-Duc et de Sainte-Ménehould. Durant trois ans, après-guerre, attachée à la rédaction du Times et du Daily Mail, Andrée entre aussi au Petit Parisien, pour vingt ans. Romancière, la journaliste tire de chacun de ses grands reportages, un livre. En 1930, à près de cinquante ans, quand Anna Amieux approche de la retraite, l’aventurière est le seul témoin extérieur de la révolte de Kaboul et franchit seule l’Himalaya dans un frêle avion de bois. La célébrité est au rendez-vous. Engagée contre le colonialisme, elle publie SOS Indochine préfacé par Malraux, proche du parti communiste, auquel adhère sa fille, et militante antifasciste, elle codirige Vendredi, le journal de soutien au Front populaire, à soixante-six ans. Membre de la Ligue des droits de l’homme et du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme, elle mobilise pour l’Espagne républicaine et se rend sur le front, où sa fille rédige aussi des articles pour Vendredi. Muette lors du pacte germano-soviétique, durant la guerre elle se cache à Lyon et à Dieulefit, où elle écrit Le racisme hitlérien, machine de guerre contre la France publié clandestinement en 1943-44. A la Libération, à soixante-quinze ans, elle vote pour la première fois, et écrit dans Ce soir une enquête officielle sur l’effort de guerre américain. Trois ans plus tard, elle se rend en Afrique du Sud et publie Afrique du sud cette inconnue. Andrée meurt en 1950, sans voir Simone de Beauvoir recevoir le Goncourt près de quarante ans après sa propre nomination.

Issue d’une modeste famille protestante lyonnaise, la brillante et précoce Anna Amieux, née un mois après la fin de la Commune de Paris, obtient son diplôme de fin d’études secondaires au lycée de Lyon, intègre l’École de Sèvres à dix-huit ans et en sort agrégée de sciences à peine majeure.  Fille d’un employé des chemins de fer, elle finit sa carrière dans le fauteuil de directrice de l’École de Sèvres. Loin du monde et des privilèges d’Andrée Viollis, qui entre à l’Université et vit dans un milieu qui peut défier les normes sociales, Anna, devant suivre des règles strictes de moralité, fait carrière mais n’a ni mari ni d’enfant. Son ascension à l’intérieur d’une institution des plus rigides, par son talent, son initiative et sa volonté d’améliorer le sort de ses semblables, la porte à un poste de direction en un temps record. Anna aspire à modifier le regard posé sur les femmes par la société afin que la condition de la Française change.
Je crois que les jeunes filles françaises de classe moyenne, pour qui les lycées ont été fondés, sont actuellement les plus mal partagées. Si l’on excepte le petit nombre de celles qui, riches, ont presque la certitude d’être recherchées pour le mariage dans leur milieu, on peut dire que les autres, par prévoyance ou par nécessité immédiate, doivent s’assurer un gagne-pain. Quand elles se mettent à l’ouvrage, déjà possédées par ce besoin de dévouement inhérent à leur nature, elles ne peuvent choisir qu’entre un petit nombre de carrières, elles sentent qu’on ne les encourage pas, qu’on les regarde souvent agir sans intérêt, comme « des êtres qui manquent leur vie » et à qui plus tard, le cas échéant, on reprochera de n’avoir pas de foyer. Les mieux douées ou les plus favorisées du sort font leur trouée dans le monde par le travail ou le mariage, les autres végètent, luttent, révoltées ou résignées, souffrent, s’étiolent. Le tableau est sombre, sans l’être trop.
Encouragée par ce qu’elle a vu lors de son voyage américain, financé par le mécène humaniste Albert Kahn, Anna souhaite changer la place des femmes instruites en France, ce qui n’est possible qu’en changeant la société et l’enseignement.
Cet état de choses, cruel pour les individus, est mauvais pour le pays qui perd ainsi de réelles sources d’énergie. Est-il sans remède ? Le remède doit venir, je crois de deux côtés : de la société et des femmes. La société pourrait : 1° Modifier les idées sur les conditions du mariage.
      2° Accepter ce fait que certaines femmes sont obligées de vivre seules et qu’elle doit les aider, les encourager à se créer une existence indépendante, honorée et utile. Je crois aussi que les jeunes filles doivent être averties de l’alternative qui les attend et préparées à l’une et l’autre vie. Cette préparation a son point de départ dans la famille, mais l’école peut et doit intervenir.
Ce n’est pas trop lui demander que d’être le début de la vie vraie.
Ainsi durant la Première guerre mondiale, dix ans après son séjour américain, la brillante Anna, offre aux jeunes scientifiques françaises les premières carrières d’ingénieurs, en créant dans une annexe du lycée Jules Ferry une section d’élite préparant l’entrée à l’École Centrale des Arts, la seule école masculine dont le règlement est évasif quant au sexe des candidats. Huit jeunes filles formées dans son établissement concourent sur fond de polémique. Sept sont admissibles et quatre sont admises dont la major de promotion. Jusqu’en 1923, de trois à quatre élèves féminines entrent, chaque année, dans l’antre de la science faite homme grâce aux initiatives d’Anna. Le coup d’éclat la promeut directrice de l’École de Sèvres,  elle a quarante-huit ans. Par les voies scientifiques et pédagogiques d’excellence sa vie durant, Anna s’est engouffrée dans chacune des brèches où il lui a été possible d’agir pour l’instruction et la progression des femmes et de la science, en rêvant d’égalité, suffragiste Anna vote pour la première fois à soixante-quatorze ans et s’éteint dix-huit ans plus tard, à quatre-vingt-douze ans.



Si Anna Amieux dans l’ombre de Marie Curie promeut les sciences, Alice Guy Blaché est la femme de l’invention révolutionnaire du tournant du siècle, le cinématographe. Elle naît en 1873, quand Sarah Bernhardt, à trente ans, triomphe dans Phèdre, et Louise Michel vogue vers la Nouvelle Calédonie. Après des études de sténographe, Alice qui est polyglotte, réalise, à vingt-et-un ans, son premier court métrage Esméralda et deux ans plus tard, le premier film de l’histoire comportant des effets spéciaux, La fée aux choux, qui connaît le succès. Embauchée chez Gaumont en tant que secrétaire, la jeune fille se mue en scénariste et réalisatrice, son patron, à peine plus vieux qu’elle, lui laissant carte blanche, la jeune fille tourne ainsi une centaine de films entre 1900 et 1909, enthousiaste incorrigible, tentant toutes les innovations, de la couleur aux effets sonores, vingt ans avant le premier film parlant étatsunien. Le succès est là dès 1906, avec La Passion du Christ, premier péplum de l’histoire du cinéma. A trente-trois ans, Alice rencontre Herbert Blaché, directeur de la Gaumont à Berlin. Tous deux sont envoyés en 1907 à Long Island pour observer les évolutions du cinéma. Installée aux Etats-Unis, elle fonde la Solax, son propre studio, ce qui fait d’elle la première créatrice d’une société de production outre-Atlantique. Ses films américains connaissent un tel succès, que dès 1912, elle est la seule femme du pays gagnant plus de 25 000 dollars par an. A quarante-et-un ans, riche, célèbre, enceinte, directrice du studio le plus important du pays, référence du milieu cinématographique, elle pousse l’audace jusqu’à tourner en extérieur et à donner cet ordre révolutionnaire aux acteurs : Soyez naturel !
Ses conférences sur les droits des femmes sont prisées ainsi que les deux fables féministes qu’elle réalise. Néanmoins comme pour toutes les épouses, comme George Sand avant elle, son mari est le propriétaire de ses biens et des dividendes de son travail. Herbert, pour fonder la Blaché picture, vend, sans l’en informer, à vil prix, un des films de sa femme qui est un grand succès. Le couple se sépare, Alice, privée de sa maison de production, réalise des longs métrages pour d’autres compagnies. Le divorce est prononcé en 1918. En un temps où les compagnies indépendantes disparaissent, la productrice fait de mauvais choix en refusant des associations intéressantes. Ruinée, elle vend à perte son studio ainsi que tous ses biens et revient en France à quarante-neuf ans. Oubliée, elle s’installe chez sa sœur, et écrit des contes pour enfants. Ses films disparaissent peu à peu. A la fin de sa vie, Alice décide de réunir les bobineaux de son œuvre. En 1995, cinquante de ses films sur les sept cents de sa production sont retrouvés. La vieille dame meurt à quatre-vingt-quatorze ans, deux mois avant mai 1968. Son autobiographie est publiée peu après.

 

Madeleine Pelletier naît deux mois après Alice Guy en 1874, dans un milieu indigent. Son père, cocher de fiacre, est paralytique dès ses quatre ans et sa mère, qui tient une échoppe de fruits et légumes, se dit fille illégitime d’un noble, professant un royalisme et un catholicisme fanatiques. Des douze enfants du couple seuls deux survivent, Madeleine et son frère aîné. Brillante élève d’une école catholique, elle la quitte volontairement à douze ans contre l’avis des religieuses, se voulant déjà différente. Autodidacte lisant énormément, elle commence à fréquenter les anarchistes et, à seize ans, la jeune fille décide d’étudier seule et obtient sept ans plus tard, le baccalauréat avec la mention Très Bien. Elle est des cent vingt-neuf femmes assises sur les bancs de la faculté de médecine, dont cent sont étrangères, parmi les quatre mille cinq cents étudiants. Boursière du Conseil de Paris, la brillante étudiante, qui est la seule de l’amphithéâtre à lire des journaux dreyfusards, dont La Fronde de Marguerite Durand, s’oriente vers la psychiatrie. A vingt-huit ans, en 1902, une génération après Marguerite Bres, Madeleine est interdite de concours à l’internat dans le service psychiatrique hospitalier, car il faut jouir de ses droits civils et politiques, pour l’intégrer. Objet de la première campagne féministe de La Fronde, et d’un âpre débat  auquel la loi ne résiste pas, Madeleine, à vingt-neuf ans, passe avec succès le concours, ceci faisant d’elle la première femme interne des asiles psychiatriques de la Seine, sans revenu elle cumule les activités de son cabinet médical avec des responsabilités d’urgentiste de nuit et de médecin fonctionnaire des PTT pour survivre.
La docteure, valorisant la virginité et le célibat militant, anarchiste à ses heures, est rejetée par ses camarades de lutte et par beaucoup de féministes car non seulement elle s’habille en homme et porte les cheveux courts, mais elle revendique un sens éminemment politique à ce geste. Si je m’habille comme je le fais c’est surtout parce que je suis féministe ; mon costume dit à l’homme : Je suis ton égale. Entrée dans la franc-maçonnerie par anticléricalisme, à trente ans, Madeleine se lie d’amitié avec Louise Michel, dont elle suit le cortège funèbre en première place aux côtés de Séverine. De 1906 à 1914, Madeleine écrit sans discontinuer pour des revues féministes, socialistes et révolutionnaires, tout en tentant d’organiser le militantisme féministe. En 1907, paraît son article Les facteurs sociologiques de la psychologie féminine, où, avant Simone de Beauvoir et reprenant Hubertine Auclert, elle démontre que l’on ne naît pas femme mais qu’on le devient, en concevant le rapport entre les sexes comme un rapport social.
Très impressionnée par les suffragistes anglaises, elle décide de franchir le pas et de lutter pour le suffrage des femmes. Lors des législatives de 1910, comme Marguerite Durand et Hubertine Auclert, Madeleine est candidate, sous les couleurs du Parti Socialiste qui la présente dans une circonscription perdue d’avance mais où elle obtient néanmoins 4 % des voix. A la veille de la Première guerre mondiale, elle est la féministe la plus connue de France et a, en sus, une aura internationale, ce qui lui permet de se présenter à nouveau aux élections en 1912. Mais l’étrangeté et l’intransigeance de sa forte personnalité dérangent, sans compter le scandale suscité par la brochure publiée en 1911, Le droit à l’avortement. L’indignation est unanime tant du côté socialiste que féministe d’autant que l’auteure pratique elle-même des IVG. Lors de la déclaration de guerre, interdite d’exercice sur le front, comme toutes ses consœurs médecins, elle s’engage dans les rangs de la Croix-Rouge afin de donner des soins aux blessés, tout en tenant un journal de guerre.
L’entre-deux-guerres et sa grande offensive pro-nataliste, mettent à mal Madeleine qui, à déjà près de cinquante ans, est envoyée devant les tribunaux d’assises plus d’une fois pour avoir pratiqué des IVG. Très en vue, elle adhère au Mouvement Amsterdam-Pleyel contre la guerre. De nouveau accusée, elle est victime d’un AVC et traînée devant les tribunaux. Jugée irresponsable, elle est néanmoins désignée comme un danger pour elle-même, pour autrui et pour l’ordre public, et condamnée à être internée, car elle ne correspond pas au modèle de mère et d’épouse. La docteure meurt de désespoir sept mois plus tard, le 29 décembre 1939, à soixante-cinq ans, là où elle avait fait son internat. Six ans plus tôt, elle avait publié son autobiographie, La femme vierge.

           Cécile Brunschvicg naît Cécile Kahn, cinq jours après le quatorze juillet 1877. Marguerite Durand est depuis deux ans au Conservatoire, Louise Michel est en Nouvelle Calédonie depuis quatre ans, Rachel est morte depuis vingt ans. Née dans une riche famille juive républicaine, elle obtient à dix-sept ans son certificat d’études supérieures, préparé en secret car son père, industriel alsacien, est opposé aux études féminines. Cécile âgée de vingt-deux ans rencontre Léon Brunschvicg de dix ans son aîné, philosophe féministe, vice président de la Ligue des électeurs pour le suffrage des femmes, qu’elle épouse. Ses engagements politiques se forgent dans la lutte dreyfusarde, tout en donnant le jour à quatre enfants. En 1909, elle adhère à l’Union française pour le Suffrage des femmes, dont elle est la Secrétaire générale durant vingt-deux ans à partir de 1924, cent ans après la naissance de Jeanne Daubié. L’un de ses chevaux de bataille est la mise en place d’une école mixte, ayant les mêmes programmes et offrant les mêmes diplômes quel que soit le sexe des candidats. Durant la Première guerre mondiale, elle participe au relogement des réfugiés, aide à la création de centres sociaux et de l’Ecole des surintendantes d’usine. En 1926, elle prend la direction de La Française, hebdomadaire de l’Union française pour le suffrage des femmes, où elle publie de nombreux articles. Dix ans plus tard, lors de l’avènement du Front populaire, Cécile, attachée à l’Education nationale sous la tutelle de Jean Zay, est l’une des trois femmes nommées sous-secrétaires d’Etat par Léon Blum. Durant la guerre, plutôt que de fuir à l’étranger, elle reste en France où, cachée dans le midi, elle est professeure dans un pensionnat. A la Libération, affaiblie, l’ex sous-secrétaire d’Etat reconstitue pourtant l’Union française pour le suffrage des femmes et prépare les élections municipales de 1945, où elle vote à soixante-huit ans pour la première fois, un an avant son décès.





Louise Weiss - Rose Valland - Paulette Nardal
Joséphine Baker -  Simone de Beauvoir
Charlotte Delbo - Sylvia Monfort

Chapitre troisième
Indépendance


Née en 1893, seize ans après Cécile Brunschvicg, Louise Weiss est alsacienne et descend par son père d’une famille protestante d’ingénieurs des mines et par sa mère d’une riche famille juive allemande et tchèque installée à Seppois-le-Bas. Cette année-là Séverine écrit ses Pages rouges et Maria Deraismes fonde la première loge maçonnique mixte, le Droit humain. Comme Cécile, Louise est élève de lycée contre l’avis paternel. Agrégée de lettres, diplômée d’Oxford, comme Andrée Viollis, la jeune femme s’oriente vers le journalisme, fréquentant les exilés tchèques et slovaques avec qui elle développe son intérêt pour les relations internationales. Pacifiste convaincue, elle devient infirmière en Bretagne, en 1914 là où sa famille est réfugiée. Après guerre, empreinte de l’esprit de la Société des Nations, proche d’Aristide Briand et cherchant à rapprocher la France et l’Allemagne, elle fonde et dirige la revue L’Europe nouvelle de 1920 à 1934 et dans la même dynamique l’association Femmes nouvelles qui compte plus de dix mille adhérentes.
Elle lance à la même époque une vaste campagne pour le suffrage des femmes et se présente aux législatives de 1936, dans la lignée de Marguerite Durand, Hubertine Auclert et Madeleine Pelletier. Louise, en maîtresse de la communication, organise des actions très médiatiques ; un tour de France, auquel participent les aviatrices Hélène Boucher et Maryse Bastié, stars du moment, un lâcher de ballons rouges, avec des tracts féministes lors de la finale de la Coupe de France de football, une distribution de myosotis, fleurs du souvenir, le 1er juin aux nouveaux députés et le lendemain des chaussettes, portant l’inscription, Même si vous nous donnez le droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées, aux sénateurs, l’assaut de la piste du Grand Prix de Longchamp par des militantes brandissant des pancartes, La Française doit voter.
En 1939, à quarante-six ans, Louise est nommée Secrétaire générale du Comité pour les réfugiés d’Allemagne et d’Europe centrale. Lors de l’invasion allemande, elle est à New York, où elle reste jusqu’en 1941, soutenant brièvement Pétain avant d’entrer dans le réseau Patriam Recuperare, où elle joue un faible rôle. A la Libération, elle vote pour la première fois à cinquante-trois ans, couvre le procès de Nuremberg, fonde l’institut de polémologie, parcourt le monde, réalise un grand nombre de films documentaires et publie, Ce que femme veut.
En 1971, à soixante-dix-huit ans, la suffragiste fonde l’Institut des sciences de la paix, s’engage dans les premiers projets d’Union européenne et contribue à la création du Parlement européen. A quatre-vingt-six ans, la vieille dame prononce le discours d’ouverture de la première session du nouveau parlement dont la présidence paraît devoir lui revenir, avant que ne la devance la jeune Simone Veil, âgée de cinquante-deux ans. Décédée quatre ans plus tard, Louise repose dans le même cimetière que Rosa Bonheur, là où se dressait l’abbaye de Port Royal.

Paulette Nardal naît, en 1896, trois ans après Louise à des milliers de kilomètres de l’Hexagone, en Martinique, là où est née près d’un demi-siècle plutôt Sophie Lumina. Issue d’une famille modeste mais cultivée, aînée de sept sœurs, Paulette devenue institutrice, part pour la métropole à vingt-quatre ans, où elle souhaite étudier l’anglais à la Sorbonne ce qui n’exclu pas une fréquentation assidue du bal nègre. Licenciée d’anglais, elle se fait journaliste, approchant les écrivains du Harlem Renaissance et tenant salon avec deux de ses sœurs, dans son appartement de Clamart, où les réunions bilingues se multiplient afin de créer des liens entre écrivains noirs de tous horizons. Paulette, sa sœur Andrée et le haïtien Leo Sajous fondent La Revue du Monde Noir. Revue bilingue et tribune noire à laquelle contribuent Claude McKay, Langston Hughes et Léopold Sedar Senghor, tout comme l’ethnologue allemand Leo Frobenius. La jeune femme fonde un mouvement précurseur de la Négritude. La devise de la revue est : Pour la paix, le travail et la justice, par la liberté, l’égalité et la fraternité. En 1932, après six numéros, l’aventure s’achève. Mais le mouvement est lancé. Césaire et Senghor ont repris les idées que nous avons brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d'étincelle. Nous n'étions que des femmes. Nous avons balisé les pistes pour les hommes. 
Paulette part au Sénégal en 1937, à quarante-et-un ans, sur l’invitation de Senghor. Après avoir tenté de mobiliser contre l’invasion de l’Ethiopie, membre de la SDN, par Mussolini, elle est victime, en 1939, d’un naufrage dû au torpillage de son navire par un sous-marin allemand au large de l’Angleterre qui la laisse handicapée. Elle retourne en Martinique, où nombre de jeunes rejoignent la Résistance en passant par les îles anglophones. Paulette leur donne clandestinement des cours d’anglais afin qu’ils puissent être opérationnels dès leur arrivée. A la Libération, elle sensibilise les femmes martiniquaises à la politique en créant le Rassemblement Féminin, incitant les femmes de tous milieux à se servir du droit de vote, ainsi que la revue La femme dans la cité. Elle a quarante-neuf ans lorsqu’elle glisse pour la première fois un bulletin de vote dans une urne. La création de crèches et l’aide aux filles-mères sont ses priorités dans les décennies suivantes. L’année du centenaire de l’abolition de l’esclavage et de la naissance de Surprise, Paulette inventorie la tradition musicale des campagnes martiniquaises, le Bèlè et le Ladjia disparaissant face à la concurrence du jazz. Le 16 février 1985, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans, Paulette s’éteint.

En 1898, Rose Valland naît en pleine affaire Dreyfus, neuf mois plus tôt l’Aurore publiait J’accuse. Née le jour de la Toussaint, Rose, fille d’un charron et maréchal ferrant, entre à seize ans à l’école normale d’institutrices. Formée durant la guerre, douée pour les Beaux-arts, elle part à Lyon où elle reçoit de nombreux prix. A vingt-quatre ans, elle est admise aux Beaux Arts de Paris, et peut, neuf ans plus tard, soutenir une thèse à l’Ecole du Louvre sur l’Art italien jusqu’à Giotto. Rose parle parfaitement l’allemand et sillonne l’Italie.
Depuis 1932, et ses trente-quatre ans, la jeune femme est attachée bénévole à la Galerie nationale du Jeu de Paume, où elle est salariée et titularisée neuf ans plus tard. Paris est occupé depuis plus d’un an, quand Jacques Jaujard l’attache aux œuvres spoliées par les nazis dont le Jeu de Paume est le dépôt central. Durant quatre années, Rose enregistre tous les transferts effectués, collectant les carbones jetés dans les poubelles, fournissant des informations à la résistance sur les convois d’œuvres d’art et informant les Américains des lieux de stockage afin d’éviter leur bombardement. Le 24 novembre 1944, elle intègre la Commission de récupération artistique qui n’est dissoute qu’en 1949, vivant en zone d’occupation en Allemagne afin de mener à bien ce travail, qui la conduit à témoigner au procès de Nuremberg. Elle y rencontre Joyce Heer, interprète de l’ambassade des Etats-Unis, qui est sa compagne durant trente ans. De retour en France, elle est nommée chef du service de la protection des œuvres d’art et deux ans plus tard, à cinquante-sept ans, conservatrice des musées nationaux. En 1961, son autobiographie, Front de l’art, connaît le succès et inspire le film, Le train. Retraitée en 1968, Rose vaque toujours à la restitution des œuvres spoliées jusqu’à son décès à quatre-vingt deux ans, en 1980.
Vient l’escadron des aventurières de l’air qui, quand elles ont survécu à leurs aventures aériennes, sont plus qu’à leur tour entrées dans la Résistance, parmi elles, Maryse Bastié et sa consœur et concurrente, Maryse Hilsz, issue elle d’une famille très modeste, s’engouffre dans l’aventure aérienne. Née en 1901, simple modiste, elle s’inscrit à vingt-trois ans dans un concours de parachutisme alors qu’elle n’est jamais montée dans un avion. Multipliant les sauts d’exhibitions pour financer son brevet, elle est considérée comme une femme d’action élégante et à forte personnalité. Virtuose en très peu de temps, elle réalise en 1930, un an après avoir obtenu son brevet, le record de longue distance Paris-Saigon-Paris, là où Hélène Boucher déclare forfait. Trois ans après Saigon, elle augmente son record de distance et de vitesse par un Paris-Tokyo-Paris. Dans la foulée, elle améliore son record d’altitude en avion à hélice avec 14 310 m, jamais égalé pas une femme. Maryse pilote et répare seule son avion. En décembre 1937, la jeune femme bat le record de vitesse masculin Paris-Saigon, effectuant le vol en quatre jours. En 1941, elle entre dans la Résistance. A la Libération, le ministre de l’air communiste crée un corps français de pilotes femmes à l’image de celui existant en Urss, mais le recrutement prend fin dès 1946. Maryse, sous-lieutenant de l’armée, trouve la mort dans ses fonctions, à quarante-cinq ans.

       Joséphine Baker naît Freda Joséphine MacDonald, en 1906 à Saint-Louis aux Etats-Unis. Reconnue par son beau-père, Joséphine, placée chez des blancs dès ses huit ans, est maltraitée. A onze ans, elle assiste aux grandes émeutes de Saint-Louis, où trente-neuf noirs sont tués. Au terme de l’insurrection et de sa répression, les sans-abris se comptent par milliers. L’enfant fuit le foyer familial par un mariage à treize ans, ce qui ne l’empêche pas d’être ouvertement bisexuelle toute sa vie. Divorcée avant ses quatorze ans, elle intègre une troupe de danse itinérante. A Philadelphie, elle rencontre Willie Baker, qu’elle épouse en 1921, à quinze ans. Rêvant des lumières de Broadway, elle quitte son second mari, part pour New York, où la femme de l’attaché commercial de l’ambassade des Etats-Unis l’intègre à La Revue Nègre pour se produire à Paris. A dix-neuf ans, Joséphine est l’une des huit chorus girls du spectacle. La première, en 1925, sept ans après la fin de la Première guerre, entre scandale et succès avant-gardiste, lance la carrière de la jeune créole. Posant pour les artistes impécunieux, modèle de Poiret enthousiasmé par son corps libre et félin, la jeune femme est la coqueluche du tout Paris ayant même une pommade plaquante de cheveu à son nom, la Bakerfix. Après une mouvementée tournée européenne, elle chante aux Folies Bergères accompagnée d’un léopard et contribue à la préface de Tumulte Noir publié en 1927.
Depuis que la Revue Nègre est arrivée au Gai Paris, je dirais qu'il fait de plus en plus noir à Paris. D'ici peu, il fera tellement noir qu'on craquera une allumette, puis on en craquera une autre pour voir si la première est allumée ou non.
En 1931, à vingt-cinq ans, elle susurre J’ai deux amours, véritable triomphe, le music-hall assure son fastueux train de vie. Très généreuse, elle participe à de nombreuses œuvres, notamment durant la crise. Joséphine est naturalisée en 1937.
Dès le début de la Seconde guerre, la jeune femme chante pour la Croix Rouge à ses frais, tout en étant un agent du contre-espionnage, avant d’intégrer les forces féminines de la France Libre, malgré de graves problèmes de santé. Comme Rose Vallant, à la Libération Joséphine est distinguée par la Croix de guerre, la médaille de la Résistance et la Légion d’honneur.
Après son troisième mariage, en 1947, à quarante-et-un ans, la belle métisse adopte des enfants du monde entier, créant une famille difficile à gérer et vite privée de père.
En 1963, entrée dans la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, Joséphine participe en VIP à la marche de Washington de Martin Luther King, où vêtue de son uniforme des Forces Françaises Libres, arborant ses médailles, fière de la reconnaissance française par delà la couleur, elle représente officieusement la France lors de ce moment historique.
Totalement impécunieuse, expulsée de son château en 1969, elle est accueillie par sa compatriote Grace Kelly, devenue princesse de Monaco. Remontant sur scène pour des galas jusqu’à ses soixante-neuf ans, elle décède quelques heures après une représentation à Bobino.
Lors de ses funérailles, les honneurs militaires lui sont rendus. La femme aux deux amours a pour ultime requête que les fleurs destinées à sa sépulture soient recueillies pour fleurir la tombe du soldat inconnu.

Vivre, c’est danser et j’aimerais mourir haletante, épuisée, à la fin d’une danse.



Physiquement, Madame de Beauvoir a le gros mérite de s’écarter du type femme de lettres, à mine pointue et teint triste. Jeune vive, une voix plaisamment éraillée, le cheveu noir et l’œil de Delft, le visage clair et le soulier plat, elle aime le voyage et la discussion ; les quarante kilomètres à pied dans la journée et les quarante heures de discussion quand la discussion l’intéresse. Sur Simone de Beauvoir, agrégée de philosophie depuis 1929, on a raconté des tonnes de salades. Simone de Beauvoir et Sartre devraient consommer gratis dans tous les bistrots qu’ils ont lancés.
In Manuel de Saint-Germain-des-Près. Boris Vian

Simone Bertrand de Beauvoir naît en janvier 1908. Professeure de philosophie, elle n’aime pas Georges Sand, loue Hubertine Auclert et ses luttes solitaires, même si elle juge durement sa focalisation sur le suffragisme. Simone peut voter pour la première fois à trente-sept ans, Hubertine jamais.
Si l’on n’est pas aimable, reste la littérature et le simple plaisir de respirer. La Première guerre est fatale à la fortune et à l’honneur de la famille de Beauvoir, Simone a dix ans. Cinq ans plus tard, elle décide qu’elle sera un écrivain célèbre. En 1925, un an après l’harmonisation des programmes secondaires masculins et féminins ouvrant à toutes les jeunes filles le baccalauréat, elle en est lauréate à dix-sept ans, entamant en parallèle des études de lettres et de sciences. Licenciée à vingt ans, elle est encore mineure, lors de sa rencontre avec Sartre et Nizan. L’année suivante, celle de sa majorité elle est reçue deuxième de l’agrégation de philosophie dont Sartre est major. Bisexuelle, elle est renvoyée du lycée Molière, en 1939, à la suite d’un scandale lié à sa relation avec l’une de ses élèves. La sanction tombe en 1941, une suspension pour excitation à la débauche sexuelle, Simone a trente-trois ans. Les années passent Simone écrit l’Invitée. Toute la France est occupée, les convois de déportés se multiplient, Charlotte Delbo tente de survivre depuis deux ans à Ravensbrück, les activités de Rose Valland manquent d’être repérées et Joséphine Baker chante sur le front nord africain.
A la Libération, Simone devient compagnon de route du Parti communiste français, peu après, en pleine crise de Berlin, à quarante-et-un ans, l’écrivaine connaît la consécration avec le 2ème sexe vendu à 22 000 exemplaires dès la première semaine de sa sortie. Le livre est mis à l’Index par le Vatican ; les ventes explosent.  Les Etats-Unis font un triomphe à l’ouvrage qui se vend à un million d’exemplaires, fait l’effet d’une bombe sur la société, et remet en cause la construction du féminin par le corps social, dans la foulée son roman Les Mandarins est distingué par le Prix Goncourt. Elle se bat aux côtés de Gisèle Halimi et d’Elisabeth Badinter, pour la reconnaissance des violences faites aux femmes et pour revendiquer le droit à l’avortement. Avec mai 1968, son engagement féministe est de plus en plus radical, tout en montrant un intérêt grandissant pour le sujet de l’avancée en âge. Simone signe le Manifeste de 1971 en plein combat pour la légalisation de l’avortement. En 1986, le Castor, qui parlait de bouche à oreille à ses lecteurs, s’éteint à soixante dix-huit ans. Ses funérailles sont suivies par plus de cinq mille personnes.




Charlotte Delbo nait en 1913, au cœur de l’été, trois ans après Simone de Beauvoir, dans une famille d’immigrés italiens. Autodidacte, bilingue en anglais, elle apprend la sténographie, comme Alice Guy avant elle. A vingt-et-un ans, la jeune femme entre dans les Jeunesses communistes et rejoint deux ans plus tard, en 1936, l’Union des jeunes filles de France, créée et dirigée par Danièle Casanova. Jeune mariée, elle fait des piges pour les journaux du Parti communiste dont ceux que codirige Andrée Viollis. Devenue l’assistante de Louis Jouvet, elle le suit en tournée jusqu’en Amérique latine. Lorsque la guerre éclate, et après la débâcle, Charlotte décide de laisser la troupe et de revenir par ses propres moyens en France, retrouvant son mari qui, entré dans la clandestinité, travaille pour ce qui devient les Lettres françaises. Elle prend sa relève au grade d’adjudant chef au titre de résistance française. Cinq mois avant les rafles du Vel d’hiv et avant le débarquement en Afrique du Nord, le 2 mars 1942, le réseau auquel appartient Charlotte tombe, son mari, Danielle Casanova, Jacques Decour, les époux Vaillant-Couturier et elle-même sont interpellés, torturés et transférés à la Santé. Son mari est fusillé, deux mois plus tard, au Mont Valérien. Charlotte a fêté ses vingt-neuf ans depuis deux semaines, quand le 24 août elle est transférée de la prison de la Santé au camp de Romainville, où elle reste jusqu’au 20 janvier 1943. Embarquée dans un convoi qui emporte deux cent trente déportées politiques vers Compiègne, et qui repart le 24 janvier vers Auschwitz, seul convoi de femmes déportées politiques parti vers cette destination. 85 % des déportées sont des résistantes et quarante-cinq d’entre elles sont les veuves de résistants fusillés. Le convoi arrive trois jours plus tard, le 27 janvier à Birkenau. Les Françaises entrent dans le camp en chantant la Marseillaise. Le 10 avril, deux mois et demi plus tard, seules soixante-dix d’entre elles sont encore vivantes, dont Charlotte qui a survécu au typhus. Le 3 août, les cinquante-sept survivantes sont mises en quarantaine et mieux traitées, cinq d’entre elles meurent néanmoins avant décembre. En janvier 1944, un an après le début de sa déportation, Charlotte est envoyée à Ravensbrück, où elle est libérée par la Croix Rouge internationale, le 23 avril 1945, après plus de deux années d’internement. Agée de trente-et-un ans, la jeune femme, matricule 31 661, en garde au cœur une myocardie parcellaire, qui la contraint à entrer en clinique en 1946. Depuis sa chambre, elle écrit Aucun de nous ne reviendra, qu’elle relègue dans un tiroir durant près de vingt ans. Dans la foulée, elle rédige, aidée de ses amies survivantes, Le convoi du 24 janvier, notice biographique de ses deux cent vingt-neuf compagnes de déportation.
Passée la cinquantaine, elle publie la plupart de ses œuvres, récits, drames et poèmes. Celle qui est connue pour sa gaîté et son goût du champagne, s’éteint un an avant Simone de Beauvoir, victime d’un cancer, à soixante-douze ans.
Simone Marguerite Favre – Bertin, dite Silvia Monfort son alias de résistance, la benjamine des Panthéonistas, naît en 1923, Sarah Bernhardt est morte deux mois et demi plus tôt. Auteure comme son auguste devancière, amoureuse de théâtre avant tout, bien que le cinéma lui apporte la célébrité, Silvia œuvre à offrir la culture à tous. Fille du sculpteur Charles Favre – Bertin, élève précoce, bachelière à quatorze ans et demi, en 1939, la jeune fille rencontre à seize ans, son futur mari, Maurice Clavel, dirigeant du réseau de résistance d’Eure et Loir, sous le pseudonyme de Sinclair. Armée, elle participe à la libération de Nogent-le-Rotrou et de Chartres en 1944, à peine majeure quand elle accueille le général De Gaulle sur le parvis de la cathédrale, qui lui remet lui même la Croix de guerre, comme le général Patton lui offre la Bronze Star Metal.
L’année suivante, remarquée dans La casa de Bernarda Alba de F. Garcia Lorca, elle intègre la distribution de L’Aigle à deux têtes de Jean Cocteau, pièce qui entame une tournée internationale assurant sa renommée. En 1946, Jean Vilar en fait sa Chimène, vingt-quatre ans, pour le premier festival d’Avignon. Deux ans plus tard, elle interprète l’adaptation cinématographique de L’Aigle à deux têtes, et en 1955, à trente-deux ans, son allure juvénile lui permet d’être Eponine dans les Misérables. Sur les planches, comme Rachel et Sarah Bernhardt, avant elle, son plus grand rôle est Phèdre, qu’elle joue pour la première fois à trente-sept ans, en 1960, et pour la dernière à soixante-deux ans. Résistante et actrice, Silvia est aussi romancière, metteur en scène et directrice de théâtre comme Sarah Bernhardt.
Son théâtre itinérant, Les tréteaux de France, a pour vocation d’ouvrir le théâtre à tous. A force de combat, Silvia obtient que le Monfort soit installé dans le carré Thorigny, dans un quartier insalubre, celui qui l’a vu naître, le Marais. Elle est lancée dans une adaptation de Sophocle et joue Electre quand Charlotte Delbo publie enfin, en 1965, Aucun de nous ne reviendra.
Silvia décède à soixante-huit ans d’un cancer du poumon, en 1991, peu avant l’ouverture de son nouveau théâtre, celui qui porte son nom Le Monfort-Théâtre.






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