mercredi 8 avril 2015

6. Jean Baptiste Millière


Jean-Baptiste Millière est un pays de Marguerite Boucicaut, né deux ans après elle. Il part de peu, quand elle sort du néant. Martyr oublié du Panthéon, il naît en 1817, dans une famille de tonnelier qui l’installe comme apprenti derrière les soufflets de la forge dès son plus jeune âge. Autodidacte, il obtient le baccalauréat, suit les cours de la faculté de droit de Dijon et soutient une thèse de droit. En 1848, il est secrétaire du Club de la révolution dont Barbès est le président. Jean Baptiste a trente-et-un ans. Installé à Clermont en 1849, il publie L’éclaireur républicain, dont le tirage est interdit après un mois de vente. Au même moment Jeanne Deroin se présente aux législatives à Paris. L’un des chevaux de bataille de Jean-Baptiste est la mise en place d’un système d’instruction gratuite. En 1850, il fonde Le Prolétairejournal du paysan et de l’ouvrier, dont il est le rédacteur et le directeur. Le ton est celui d’un socialisme très anticlérical, défenseur du prolétariat, attaquant les modérés et la société du temps. Il tente d’organiser des associations ouvrières et propose d’ouvrir un cour gratuit de droit constitutionnel, la mairie de Clermont s’y oppose, deux de ses collaborateurs passent aux assises, lui est poursuivit pour excitation à la haine.
En 1851, le journaliste prend une part active, à Paris, aux tentatives de résistance au coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte. Jeanne Deroin et Victor Hugo partent en exil quand Millière est condamné à la déportation en Algérie. A son retour, après l’armistice de 1859, il est âgé de quarante-deux ans. Installé à Paris, très surveillé par la police impériale, il épouse Louise Fourès, directrice d’école, fille d’un cordonnier, de dix-sept ans sa cadette, et officie en tant que chef du contentieux d’une importante compagnie d’assurance, Le Soleil. Très apprécié pour ses capacités, il est néanmoins congédié, en 1868, pour ses opinions.
Jean-Baptiste reprend la lutte politique en 1869, il a cinquante-deux ans, réclamant une république complétée par le socialisme. Durant le Siège de Paris, il accepte son élection comme chef du 208e bataillon et le XXe arrondissement le désigne conseiller municipal en novembre. Le département l’envoie siéger en tant qu’élu à Bordeaux, assis à l’extrême gauche, il s’oppose aux préliminaires de paix. Après le début de la Commune, à laquelle il est favorable, il continue de siéger à Versailles, tentant vainement de jouer les conciliateurs. Resté dans la capitale prise d’assaut par les Versaillais, ne siégeant plus à l’assemblée, il ne participe pas pour autant aux barricades. Les partisans de la Commune s’emparent du Panthéon. Un drapeau rouge flotte sur son lanternon, les barricades dressées autour du bâtiment brisent deux jours durant les assauts versaillais dont le poste de commandement est établi dans le jardin du Luxembourg. Jean Baptiste caché chez son beau-père, tout à côté, rue d’Ulm, est mené de force devant le commandant des troupes après le recul vers le faubourg Saint-Antoine des Communards, le titre de député lui est dénié et ordre est donné de le fusiller, sans jugement sur les marches du Panthéon. Agenouillé à coup de crosses, il a le temps de crier, « Vive l’humanité ! » avant de tomber. Louise, son épouse qui tente de s’interposer, est arrêtée, traduite en justice et condamnée aux dépens. Elle poursuit les responsables de l’assassinat de son mari, qui ne se présentent pas au tribunal, celui-ci se déclare incompétent après deux ans de procédure, toujours à la charge de la veuve. Les rapports de police eux-mêmes reconnaissent le caractère absurde de la mort du député, assassiné, à la veille de ses cinquante-quatre ans, au nom de la République dont il est l’un des représentants, sous les lettres de bronze clamant, Aux grands hommes la Patrie reconnaissante.



Jean-Baptiste Millière 1817-1871

Millière Jean-Baptiste, Compte rendu du 208è bataillon de la garde nationale, 1870, in Gallica, BnF
Maitron Jean, Cordillot Michel, Pennetier Claude, Risacher Jean, Caudron André, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français : 1789 – 1939, Editions ouvrières, 1997
Mie Louis, Déposition pour l'Histoire, 1876
Nadar, Millière Député, photographie, in Gallica, BnF
Biographie, site de l’Assemblée nationale





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