samedi 11 avril 2015

18. Charlotte Delbo


      Charlotte Delbo nait en 1913, au cœur de l’été, trois ans après Simone de Beauvoir, dans une famille d’immigrés italiens. Autodidacte, bilingue en anglais, elle apprend la sténographie, comme Alice Guy avant elle. A vingt-et-un ans, la jeune femme entre dans les Jeunesses communistes et rejoint deux ans plus tard, en 1936, l’Union des jeunes filles de France, créée et dirigée par Danièle Casanova. Jeune mariée, elle fait des piges pour les journaux du Parti communiste dont ceux que codirige Andrée Viollis. Devenue l’assistante de Louis Jouvet, elle le suit en tournée jusqu’en Amérique latine. Lorsque la guerre éclate, et après la débâcle, Charlotte décide de laisser la troupe et de revenir par ses propres moyens en France, retrouvant son mari qui, entré dans la clandestinité, travaille pour ce qui devient les Lettres françaises. Elle prend sa relève au grade d’adjudant chef au titre de résistance française. Cinq mois avant les rafles du Vel d’hiv et avant le débarquement en Afrique du Nord, le 2 mars 1942, le réseau auquel appartient Charlotte tombe, son mari, Danielle Casanova, Jacques Decour, les époux Vaillant-Couturier et elle-même sont interpellés, torturés et transférés à la Santé. Son mari est fusillé, deux mois plus tard, au Mont Valérien. Charlotte a fêté ses vingt-neuf ans depuis deux semaines, quand le 24 août elle est transférée de la prison de la Santé au camp de Romainville, où elle reste jusqu’au 20 janvier 1943. Embarquée dans un convoi qui emporte deux cent trente déportées politiques vers Compiègne, et qui repart le 24 janvier vers Auschwitz, seul convoi de femmes déportées politiques parti vers cette destination. 85 % des déportées sont des résistantes et quarante-cinq d’entre elles sont les veuves de résistants fusillés. Le convoi arrive trois jours plus tard, le 27 janvier à Birkenau. Les Françaises entrent dans le camp en chantant la Marseillaise. Le 10 avril, deux mois et demi plus tard, seules soixante-dix d’entre elles sont encore vivantes, dont Charlotte qui a survécu au typhus. Le 3 août, les cinquante-sept survivantes sont mises en quarantaine et mieux traitées, cinq d’entre elles meurent néanmoins avant décembre. En janvier 1944, un an après le début de sa déportation, Charlotte est envoyée à Ravensbrück, où elle est libérée par la Croix Rouge internationale, le 23 avril 1945, après plus de deux années d’internement. Agée de trente-et-un ans, la jeune femme, matricule 31 661, en garde au cœur une myocardie parcellaire, qui la contraint à entrer en clinique en 1946. Depuis sa chambre, elle écrit Aucun de nous ne reviendra, qu’elle relègue dans un tiroir durant près de vingt ans. Dans la foulée, elle rédige, aidée de ses amies survivantes, Le convoi du 24 janvier, notice biographique de ses deux cent vingt-neuf compagnes de déportation.
Passée la cinquantaine, elle publie la plupart de ses œuvres, récits, drames et poèmes. Celle qui est connue pour sa gaité et son goût du champagne, s’éteint un an avant Simone de Beauvoir, victime d’un cancer, à soixante-douze ans.




Charlotte Delbo 1913-1985


Delbo Charlotte, Qui rapportera ces paroles ?, tragédie en trois actes, P.-J. Oswald, Paris, 1974.
Delbo C., Aucun de nous ne reviendra, éd. de minuit, 2007
Delbo C., Le convoi du 24 janvier, éditions de minuit, 2002
Gelly Violaine, CharlotteDelbo, Fayard, 2013 
Hatzfeld J. L'urgence Charlotte Delbo in Le Monde Mai 2013
Mesnard Philippe, Témoigner entre histoire et mémoire, Kimé 2010
Dargnies S. Une vie, une oeuvre. Charlotte Delbo, France culture 2013
Varier Zoé, Charlotte Delbo, et 2de partie France inter, 2013

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